Axe de recherche 17
Le pouvoir des coopératives de travailleurs à la mise en commun de l'avenir
Responsables de l’axe de recherche : Isabel Faubert-Mailloux (Réseau COOP), Valérie Michaud (ESG – UQAM), Mirta Vuotto (Université de Buenos Aires)
Comité de l’axe de recherche : Isabel Faubert-Mailloux (Réseau COOP), Valérie Michaud (ESG – UQAM), Olivier Rafelis de Broves (Université Laval et Réseau COOP), Mirta Vuotto (Université de Buenos Aires)
Description :
Comme le souligne le thème général de la conférence 2025 de l'ACI, des changements transformateurs sont nécessaires de toute urgence pour plus de justice, d'équité, d'écosystèmes durables et d'organisations démocratiques. Cela résonne avec de nombreux appels récents formulés dans le cadre des multiples crises - écologiques, sociales, économiques, démocratiques - que nous traversons. L'un de ces appels, qui porte spécifiquement sur le travail, s'est cristallisé dans le Le Manifeste travail, 2020. Coordonné par Isabelle Ferreras, Julie Battilana et Dominique Méda, le manifeste nous invite à repenser radicalement notre façon de travailler et de nous organiser. Trois changements associés sont proposés : la démocratisation des organisations (« démocratiser »), la démarchandisation des relations de travail (« démarchandiser ») et un engagement en faveur de la durabilité environnementale (« dépolluer » ou « assainir »).
Dans cet axe de recherche, qui s’inscrit dans la lignée du Manifeste travail, nous cherchons à explorer le pouvoir de transformation des coopératives de travailleurs et travailleuses, en particulier pour ce que nous appelons nos avenirs communs. En effet, si nous pensons que les coopératives de tous types peuvent jouer un rôle dans les changements nécessaires, les coopératives de travailleurs et travailleuses, ainsi que les coopératives multipartites à majorité ouvrière, peuvent être conçues comme des laboratoires vivants pour démocratiser le travail, comme des « espaces de possibilités » où les travailleurs et travailleuses peuvent expérimenter de nouveaux modèles de relations et de participation (Kokkinidis, 2015). En outre, les coopératives de travailleurs et de travailleuses nous permettent de considérer le travail comme un bien commun et « la force de travail comme une ressource gérée collectivement et durablement au profit de la société » (Azzelini, 2018).
Grâce au pouvoir de décision, au partage des bénéfices et aux droits de propriété collective qu'elles accordent à leurs membres travailleurs, les coopératives de travailleur et travailleuses leur permettent d'imaginer et d'expérimenter des pratiques d'organisation alternatives. Comment ces pratiques s'inscrivent-elles dans le cadre des trois changements proposés par le Manifeste travail? Nous invitons les chercheur.e.s et les praticien.ne.s à se joindre à nous pour discuter de la manière dont les coopératives de travailleurs et travailleuses peuvent démocratiser, démarchandiser et/ou dépolluer/assainir. Des exemples de questions qui animent notre courant de recherche incluent (mais ne sont pas limités à) :
Démocratiser les organisations :
Comment les coopératives de travailleurs et travailleuses peuvent-elles transformer les structures de gestion et de gouvernance pour encourager et soutenir une plus grande participation des travailleurs et travailleuses? Quelles innovations peuvent-elles apporter pour renforcer la voix des travailleurs et travailleuses membres dans les décisions? Quels sont les modèles en place et pourquoi les travailleurs et travailleuses membres les choisissent-ils? Quels sont les avantages, mais aussi les défis et les aspects potentiellement plus obscurs des modèles horizontaux (par exemple, Soetens and Huybrechts, 2023; Jaumier et al, 2019)? Comment les coopératives innovent-elles pour prévenir ou résoudre la « loi d'airain de l'oligarchie » (Michels, 1915), la « cage de fer » de l'isomorphisme institutionnel (DiMaggio & Powell, 1978; Bager, 1994) et la « dégénérescence démocratique » (Meister, 1984), préservant ainsi les efforts de démocratisation? Si l'on considère les coopératives multipartites, quelles sont leurs structures spécifiques de propriété et de gouvernance? Les modèles multipartites pourraient-ils démocratiser les coopératives, et avec quels risques ou effets sur les travailleurs et travailleuses qui partagent le pouvoir de décision?
Démarchandiser les relations de travail :
Comment les coopératives de travailleurs et travailleuses transforment-elles les relations de travail et le processus de travail? Quels sont les principes et les valeurs qui orientent les décisions en matière de travail dans les coopératives de travailleurs et travailleuses? Inspiré par l'éthique féministe de care (par exemple Tronto, 2009; Gilligan, 2019), comment peuvent-elles réduire (ou non) la marchandisation du travail en plaçant le bien-être des membres et de la communauté au centre de leurs décisions et de leurs pratiques? Au-delà de l'organisation interne du travail, quel rôle transformateur les coopératives de travailleurs et travailleuses peuvent-elles endosser dans leur contexte sociopolitique plus large en ce qui concerne les relations entre le travail et l'industrie? Comment leurs innovations organisationnelles au niveau micro peuvent-elles se transformer en innovations institutionnelles au niveau méso ou macro, contribuant ainsi à la démarchandisation du travail?
Dépolluer/assainir:
Quelles initiatives innovantes les coopératives de travailleurs et travailleuses ont-elles mises en œuvre pour minimiser leur impact sur l'environnement et promouvoir la transition énergétique? Quelles sont les stratégies mises en place pour donner la priorité à la valeur sociale et environnementale plutôt qu'au profit financier? Comment les coopératives de travailleurs et travailleuses peuvent-elles participer à l'économie circulaire (Ziegler et al., 2023)? Peut-on établir des liens avec le mouvement de la décroissance? À quoi ressemblerait une économie coopérative et comment aborderait-elle et résoudrait-elle les défis écologiques actuels, par rapport à l'actuelle économie capitaliste hautement financiarisée ?
Les propositions doivent s'aligner sur un ou plusieurs de ces trois sous-thèmes et peuvent être soumises en anglais, en français ou en espagnol. Nous sommes ouverts aux propositions théoriques et empiriques et acceptons les recherches provenant de diverses perspectives, des étudiant.e.s diplômé.e.s aux chercheur.e.s expérimenté.e.s, ainsi que des praticien.ne.s.
Références :
Azzellini, Dario (2018). “Labour as a commons: The example of worker-recuperated companies." Critical Sociology, 44(4-5): 763-776.
Bager, Torben (1994). “Isomorphic Processes and the Transformation of Cooperatives." Annals of Public and Cooperative Economics, 65(1): 35-59. https://doi.org/10.1111/j.1467-8292.1994.tb01505.x.
DiMaggio, Paul J., and Walter W. Powell (1983). “The Iron Cage Revisited: Institutional Isomorphism and Collective Rationality in Organizational Fields." American Sociological Review, 48(2): 147-60. https://doi.org/10.2307/2095101.
Ferreras, Isabelle, Julie Battilana, and Dominique Méda (eds.) (2020) Le Manifeste travail: Démocratiser, démarchandiser, dépolluer. Paris: Éditions du Seuil.
Gilligan, Carol (with Laugier, Sandra, Patricia Paperman, and Annick Kwiatek and Vanessa Nurock for the translation) (2009). Une voix différente [In a Different Voice] : La morale a-t-elle un sexe ? Paris: Flammarion.
Jaumier, Stéphane, Thibault Daudigeos, Isabelle Huault, and Vincent Pasquier (2019). "La démocratie organisationnelle autrement-L’exemple des hiérarchies à domination inversée." Revue française de gestion, 45(278), 19-36.
Kokkinidis, George (2015). "Spaces of possibilities: Workers’ self-management in Greece." Organization, 22(6), 847-871.
Meister, Albert (1984). Participation, associations, development, and change. Transaction Publishers.
Michels Robert (1915/2001). Political parties: A sociological study of the oligarchical tendencies of modern democracy. Original 1911 in German: Zur Soziologie des Parteiwesens in der modernen Demokratie; Untersuchungen über die oligarchischen Tendenzen des Gruppenlebens. Transl. Paul Eden, Paul Cedar 1915. Kitchener, ON: Batoche Books.
Soetens, Aurélie and Benjamin Huybrechts (2023). "Resisting the Tide: The Roles of Ideology in Sustaining Alternative Organizing at a Self-managed Cooperative." Journal of Management Inquiry, 32(2), 134-151.
Tronto, Joan C. (Maury, Hervé and Liane Mozère for translation/foreword) (2009) Un monde vulnérable. Pour une politique du care. Paris: Éditions La Découverte.
Ziegler, Rafael, Thomas Bauwens, Michael J. Roy, Simon Teasdale, Ambre Fourrier, and Emmanuel Raufflet (2023). "Embedding circularity: Theorizing the social economy, its potential, and its challenges." Ecological Economics, 214, 107970, https://doi.org/10.1016/j.ecolecon.2023.107970.